jueves, 11 de diciembre de 2014

Manuel de guerre nocturne

Ni celle de Cent Ans. Ni celle du Viêt Nam. Même pas celle des audiences télévisuelles. Avec beaucoup de différence, la guerre la plus sanglante que l'homme moyen assemblé peut supporter, c'est celle qu'il livre toutes les nuits pour maintenir son endroit du lit.

Pas tous survivent, à vrai dire. Et pour entreprendre cette bataille sous certaines garanties de victoire, rien de mieux que suivre les conseils de ce manuel de campagne que je vous fournis, oh, mes pauvres doudous.

1. Un bon déploiement initial est fondamental. Les officiers rompus à mille et une bagarres nocturnes savent que la meilleure posture se passe toujours en se plaçant de côté et en diagonale. Pour ça, la tactique de choix, c'est celle de blottir le visage amoureusement sur l'épaule de l'ennemi, juste au début du combat. Résultat? Tu occuperas presque tout le champ de bataille du commencement et ton ennemi aura du mal à manœuvrer. Ça, c'est une tactique gagnante et fondamentale en toute bataille pour l'Épéda appréciant.

2. Continue à bien déployer ton armée. Observe ton corps. Analyse-le. Tu es grand? Profite de la zone de l'arrière-garde: les genoux et les pieds sont tes meilleures armes. Tu as trop de kilos? Alors joue avec le facteur intimidation. Ton ennemi s'occupera beaucoup de s'interposer devant tes balancements involontaires (ou bien il croit). Les maigres comptent avec la toujours effective tactique de la sangsue: se glisser sur les draps par chaque espace vide qu'ils trouvent et utiliser leurs affilées articulations en guise de mitrailleuse. Même les petits petits peuvent en tirer parti, car ils se replient avec de la facilité au bord et ils peuvent planifier leur stratégie suivante avec de la tranquillité, au son des ronflements d'un ennemi trop confiant.

3. Ne fais jamais ton deuil d'une place. Sans doute, la guerre qu'on livre la nuit pour chaque empan du viscoélastique, c'est une guerre d'usure. Si, par exemple, ton bras résiste à peine sur la petite partie de matelas qui reste à côté de ton flanc droit et tu reçois de manière inattendue une nouvelle charge de ce coude pointu, essaie de contre-attaquer avec la stratégie la plus sale qui te vienne à l'esprit. Élever le bras -comme en faisant penser que tu acceptes soumisement ta défaite- au niveau de ton front et le laisser distraitement tomber sur la tête de l'ennemi peut lui faire reculer. Tirer innocemment de l'édredon vers le haut avec l'intention de se couvrir n'a pas l'habitude de lever les soupçons, et ça te permet de placer, avec un habile mouvement ondulant, une moelleuse et ravissante barrière qui te protégera d'attaques futurs (ça requiert de l'expérience). En tout cas, jamais n'arrête de lutter. Utilise tous les moyens à ta portée, bats-toi pour chaque empan de terrain. Est-ce que tu as déjà entendu parler de la guerre de tranchées? Bien, ça, c'est la même chose mais en blanc satin.

4. Les multiples sales coups dont le combattant peut faire objet pendant toute la nuit mérite une mention à part. "Tu m'amènes de l'eau?", "On entend un bruit en bas", "Tu as fermé à clef?" ou "Ouvre la porte au chat, mon chou" sont quelques-uns des plus courants, mais il y en a beaucoup plus. Ils poursuivent tous la même chose: t'arracher ton endroit du lit dans le bref laps de temps où tu, noble guerrier, mènes les tâches confiées à bien. Tu reviendras fréquemment avec, disons, le fichu chargeur du portable -oublié dans le salon, ha!- et tu te trouveras qu'elle, elle s'est étripée dans ton endroit du lit, elle se sera endormie et toi, tu devras brancher le portable à tâtons. Et en plus, tu feras du bruit et tu recevras une admonestation sévère -car, de la Convention de Genève, le bruit se considère une arme encore pire que les bombes de racisme à la guerre des lits de 1,35.

5. Si tout l'antérieur échoue, aie recours à la tactique suivante. Indépendamment du point de la bataille où vous vous trouviez, glisse-toi doucement sous les draps. Baisse-lui la culotte, lentement ou d'un indolent trait (ça dépend: connais ton ennemi). Commence à lui donner des petits baisers -comme des battement d'ailes- sur les cuisses et, au bout d'un instant, mets-lui la langue dans le con. Emploie-toi à fond. Si tu vérifies en peu de temps qu'elle se redresse et elle vient à ton endroit du lit avec les yeux entrebâillés, c'est que tu as bien manœuvré. Faites l'amour. Prenez-vous fort par les mans, détrempez le champ de bataille de sueur. Fermez les yeux et criez beaucoup. Reprenez haleine entre des baisers sonores et des projets euphoriques pour le futur, comme acheter une maison plus grande. Riez. Embrassez-vous. Dis-lui que tu l'aimes et elle t'avouera -ha- que tu baises encore très bien. Elle se levera pour aller à la salle de bains et te dira qu'elle revient tout de suite avec toi. Regarde à la dérobée vers la porte, qui jette un petit filet de lumière. Dépêche-toi et blottis-toi de côté et en diagonale.


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